Histoire de la marque
ROLLS ROYCE
Henry
Royce et Charles Rolls
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S’il peut paraître arrogant, le célèbre slogan Rolls-Royce
« Best car in the world » reflète l’exigence du créateur de la marque. Homme de
condition modeste et dépourvu de formation, Henry Royce est un perfectionniste.
Il n’est pas un inventeur, mais un amoureux du travail bien fait. Tout au long
de sa brillante carrière, il fera preuve d’une compétence à la hauteur de son
angoisse de perfection.
Henry Royce commence sa carrière en fabriquant du
matériel électrique, des grues en particulier. Il commence à s’intéresser à
l’automobile au début du siècle. D’une Decauville qu’il a acquise et décortiquée
(et dont il juge sévèrement la qualité de fabrication), il tire trois prototypes
réalisés en 1903 et 1904, copies perfectionnées de la voiture française. Afin
d’obtenir la meilleure qualité, il en a fabriqué lui-même, dans ses ateliers de
Crooke Street à Manchester, un certain nombre de composants usinés avec les
meilleurs matériaux et avec une précision optimisée. Les voitures prennent la
route en 1904 pour subir des tests.
Jeune aristocrate passionné
d’automobile et pilote de talent à ses heures, Charles Rolls a créé une
entreprise de négoce d’automobiles à Londres, dans le quartier de Mayfair. Royce
et Rolls se rencontrent et décident de collaborer. Royce prépare de nouvelles
voitures pour le salon de Paris de 1904, où elles seront exposées sous le nom de
Rolls-Royce. Signé le 23 décembre 1904, un contrat sanctionne la naissance de la
marque. Deux ans plus tard sera créée la société Rolls-Royce Ltd, qui installera
son siège dans Conduit Street à Londres.
Lancée en 1904, la 10 HP est la première Rolls-Royce.
Motorisée par un bicylindre de deux litres développant 12 ch à 1000 tr/mn, elle
roule à 65 km/h. En 1905, elle est épaulée par la 15 HP équipée d’un trois
cylindres de 3,1 litres et 15 ch, ainsi que par la 20 HP dotée d’un quatre
cylindres de 4,1 litres (20 ch). Soit trois modèles, ce qui est beaucoup pour un
petit constructeur débutant. Carrossées par Barker, les Rolls-Royce arborent
déjà la calandre en forme de façade de temple grec qui deviendra célèbre.
L’année 1906 est marquée par la victoire de la marque au Tourist Trophy, ainsi
que par la création de deux prototypes à moteur V8, qui resteront sans
lendemain. A l’image de leurs concurrents, comme Napier, Henry Royce et
Claude Johnson, le directeur commercial, souhaitent inclure une six cylindres
dans leur gamme. Ainsi naît la 30 HP, une six cylindres de 6,1 litres
développant 30 ch, qui atteint les 90 km/h. Elle est construite parallèlement
aux 10 HP, 15 HP et 20 HP. C’est la Silver Ghost qui va fonder la
réputation de la marque. Son succès amène Henry Royce à déménager ses ateliers
de Manchester, devenus exigus, à Derby en 1908. Dès cette époque est mis en
place un service après-vente très performant, auquel est attaché un livret, le
Body Card, qui mentionne toutes les interventions réalisées par la marque sur
les voitures. Avec le succès de la Silver Ghost, la gamme est abandonnée et
Rolls-Royce passe à une politique de modèle unique. Cette dernière trouvera son
terme en 1922 avec le lancement de la Twenty. Depuis 1908, la marque ne fabrique
que des six cylindres.
A la veille de la Première Guerre mondiale, Rolls-Royce s’est imposé et sa
renommée est universellement établie. Ses agents représentent la firme dans
les grandes métropoles du monde, où ils ont pour clients des noms
prestigieux, des maharadjas au tsar Nicolas II — paradoxe, la famille royale
du Royaume-Uni restera fidèle à Daimler jusque dans les années cinquante.
Mais en 1910, Charles Rolls, devenu fou d’aviation, se tue au volant de son
biplan Wright. Quant à Henry Royce, sa santé précaire le conduit à
s’installer sur la Côte d’Azur, où il travaillera désormais en
compagnie d’une équipe d’ingénieurs.
Rolls-Royce fabrique des moteurs d’avion pendant la Première Guerre
mondiale, dont le célèbre Eagle, un V12 de 20,4 litres. La paix retrouvée,
la poursuite de cette activité lucrative deviendra l’essentiel de
l’activité de la société. Elle permettra au secteur automobile de
surmonter les crises, alors que bon nombre de constructeurs de voitures de
prestige, privés d’un tel appui, disparaîtront.
Pendant la guerre, Claude Johnson, l’un des hommes qui ont fait la marque, a
signé un accord pour construire sous licence des moteurs d’avion aux
Etats-Unis. Si l’armistice intervint avant que la production ne démarre,
l’idée a germé de produire des automobiles outre-Atlantique afin d’éviter
les lourds droits de douanes. Rolls-Royce of America est fondée en 1919 et
s’installe à Springfield, dans le Massachusetts. La société fabrique la
Silver Ghost et la New Phantom, qui succède à la Silver Ghost. Mais le succès
ne sera pas vraiment au rendez-vous en raison notamment de coûts de
production élevés et du rachat hasardeux du carrossier Brewster. La filiale
sera liquidée en 1934.
Lancée en 1922, la Twenty (20 HP) est une petite voiture (tout est relatif)
destinée à la clientèle, qui préfère tenir le volant plutôt que de le
confier à un chauffeur. Surnommée « Baby Rolls », elle reçoit
un six cylindres de 3,1 litres. Reconnaissable à sa calandre à volets
horizontaux, elle marque le début d’une série de modèles qui
constitueront plus tard l’essentiel de la production de la firme. Avec la
20/25, qui se substitue en 1929 à la Twenty, la Baby Rolls grandit. Le six
cylindres passe à 3,7 litres (120 km/h). Elle sera remplacée à son
tour par la 25/30 de 4,3 litres en 1936.
En 1931, Rolls-Royce acquiert Bentley mis en liquidation judiciaire en
emportant la mise contre Napier pour la somme de 125 275 £. La firme de Derby
se félicite d’absorber un rival dangereux. Jusque-là, Rolls-Royce
fabriquait tous les composants de ses voitures. Au début des années trente,
cette politique est abandonnée avec le montage de carburateurs SU.
Si la Phantom II de 1929 s’est avérée en progrès par rapport à sa
devancière, elle s’est heurtée à la concurrence des huit cylindres en
ligne, V12 et même V16 européennes et américaines. La marque relève le défi
en proposant la Phantom III motorisée par un V12 de 7,3 litres. A la veille
de la Seconde Guerre mondiale, un nouveau modèle, la Wraith, est présenté
au salon de Londres 1938. Il poursuit la lignée de la 25/30 HP, mais avec un
six cylindres de quatre litres. Sa carrière sera brève…
Wraith
Aprés la
2 eme guerre mondiale
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Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le monde a changé. A fortiori pour
les constructeurs de voiture de prestige ! En cette période de pénurie, le
Royaume-Uni a besoin de devises et pratiquement toute la production
Rolls-Royce sera exportée, surtout vers les Etats-Unis. Dès 1952, la firme
propose ses modèles dotés d’une conduite à gauche et équipés d’une
transmission automatique. La production est réorganisée : l’usine de
Derby va se consacrer aux moteurs d’avions, tandis que la division
automobile devenue indépendante s’installe à Crewe, dans le Cheshire, à
80 kilomètres de Derby.
Rolls-Royce sort en 1949 un modèle de proportions plus modestes, la Silver
Dawn. Construite sur un empattement de 3,05 mètres, elle est dotée d’une
carrosserie d’usine identique à celle de la Bentley Mark VI, avec laquelle
elle partage également le moteur.
Silver Dawn
Dévoilée en 1946, la Silver Wraith s’inscrit, quant à elle, dans la
tradition de la marque et sera construite en châssis nu destiné aux
carrossiers — elle sera la dernière Rolls-Royce ainsi proposée.
Techniquement, elle se singularise par son six cylindres de 4,3 litres à
soupapes opposées. Ce dernier passera en 1951 à 4,6 litres, puis à 4,9
litres. Prolongeant la Wraith d’avant guerre, elle s’adresse aux chefs
d’Etat (empereur d’Ethiopie, rois de Grèce et du Maroc) et aux
personnalités en vue, notamment du cinéma (Alexandre Korda et Dino de
Laurentiis). Elle donnera lieu également à des créations originales, comme
l’extravagante version à pavillon transparent réalisée par Hooper pour le
milliardaire Nubar Gulbenkian.
Silver Wraith Hooper ex-Gulbenkian
La Silver Cloud succède à la Silver Dawn en 1955. D’une grande élégance,
ses lignes fluides en font sans doute la plus belle de toutes les Rolls-Royce
à carrosserie usine. S’il a beaucoup évolué au fil des décennies, le six
cylindres en fonte arrive en bout de développement — sa conception remonte
à 1922 avec le lancement de la Twenty. La Silver Cloud I sera la dernière
six cylindres de Crewe. Celle qui lui succède, la Silver Cloud II, consacre
le passage de Rolls-Royce au V8. Un aggiornamento dicté par le marché
d’outre-Atlantique, qui représente un débouché commercial essentiel pour
la firme.
Reprenant la saga des Phantom, la quatrième du nom est sans doute la plus
exclusive des Rolls-Royce jamais construites. Réservée aux chefs d’Etat,
elle ne sera fabriquée qu’à 18 exemplaires de 1946 à 1956. Avec les
Phantom V et VI, la prestigieuse limousine recevra le très américain V8 de
la Silver Cloud, d’abord de 6,2 litres, puis de 6,7 litres.
En 1965, la Silver Shadow constitue une rupture historique chez Rolls-Royce.
Adoptant la structure monocoque, elle consacre l’abandon du châssis séparé,
donnant ainsi le coup de grâce aux derniers carrossiers indépendants. La
majorité des Silver Shadow seront désormais conduites non par un chauffeur
mais par leur propriétaire devenu "owner driver". Ce modèle charnière
est aussi la première Rolls-Royce équipée de quatre roues indépendantes et
de freins à disques.
Après des décennies de conservatisme, cette voiture de conception moderne va
permettre à Rolls-Royce de traverser la crise du début des années 70. Plus
petite Rolls-Royce de l’histoire de la marque, elle en pulvérisera les
records de vente et donnera naissance aux dérivés Corniche et Camargue.
Les crises pétrolières des années 70 et l’échec d’un important contrat
de fourniture de réacteurs d’avions à Lockheed ont fragilisé
l’entreprise au point de la menacer de faillite. Elle sera sauvée par la
nationalisation du secteur aéronautique, tandis qu’une nouvelle société
privée regroupant les activités automobiles sera créée, la Rolls-Royce
Motors Holding. En 1985, la firme produit sa 100 000e voiture depuis 1904.
En 1980, une nouvelle génération succède à la Silver Shadow, la Silver
Spirit, cousine de la Bentley Mulsanne. Dix-huit ans plus tard, la Silver
Seraph sera la première Rolls-Royce motorisée par un V12 depuis la Phantom
III d’avant guerre. Un moteur de 325 ch fourni par BMW. La voiture
s’effacera au profit de la Phantom lancée par BMW.
Propriété du groupe Vickers, Rolls-Royce et Bentley sont vendus en 1998 à
BMW et à Volkswagen. Un imbroglio qui sera résolu par un accord signé entre
les deux marques allemandes. Aux termes de ce dernier, Bentley reviendra en
2003 à la marque de Wolfsburg, tandis que Munich héritera à la même date
de Rolls-Royce.
Une nouvelle page de l’histoire se tourne à la fin 2002 avec l’arrêt de
la production des Rolls-Royce dans l’usine de Crewe, qui se consacrera désormais
à Bentley. La dernière Rolls-Royce construite à Crewe est un cabriolet
Corniche gris, dont l’habitacle est traité à la manière de la Silver
Ghost. Baptisé Silver Storm, cette voiture unique restera la propriété de
la marque. Quant aux nouvelles Rolls-Royce de l’ère BMW, les berline, coupé
et cabriolet Phantom, elles sont produites dans l’usine de Goodwood.
Un nouveau modèle positionné en entrée de gamme est annoncé pour la fin de
la décennie. Il sera extrapolé de la future BMW Série 7. Une nouvelle
« Baby Rolls » en somme. En attendant, la vénérable maison se
porte comme un charme entre les mains bavaroises. Les ventes 2007 ont atteint
1010 voitures, en progression de 25% par rapport à l’année précédente.
Au point que la capacité de production de l’usine de Goodwood va être
accrue.
D' après Motor Legend www.motorlegend.com/
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